Je fais de la musique underground pour deux pelés et trois tondus et Dieu sait qu'on se les pèle quand personne vient nous voir jouer dans une salle miteuse du boulevard Clichy où la bière colle sous les talons et qu'on s'est mis sur son 31, robe à paillettes et œil de biche. Et dire que la veille je distribuais des flyers pour 7 euros de l'heure déguisée en hamburger dans ce même boulevard bondé de bobos j'avais l'air ridicule mais faut bien bouffer aussi vous êtes marrants.
Vous croyez que j'ai le luxe de faire ma rebelle et d'envoyer péter les agences de pingouins ? Je l'ai fait pourtant. Plus rien pendant 2 ans. J'ai fini à 38 kilos. Mais j'ai écrit de jolies chansons aussi. L'un dans l'autre ça se vaut.
Mais je pouvais pas non plus continuer à maigrir comme ça indéfiniment. Même pour la création c'est pas bon. Arrivé à un certain stade, on n'a même plus la force de chanter.
On n'est pas qu'un esprit vous savez. Alors maintenant je fais moins la maligne. J'ai renfilé mon costume de hamburger, j'ai repris progressivement du poids, et ma plume en pointillé.
C'est la mort de l'art. Mais qu'est-ce que vous voulez ? Ils me poussent dehors tous.
 « Désolé mademoiselle, vous êtes bien mignonne mais vous n'avez qu'à écrire des textes moins tordus, moins glauques, moins cul, plus légers vous voyez ? La légèreté, c'est ça qu'on veut ! Ça ne dérange personne et tout le monde est content. »

Et dire qu'il suffirait que l’État interdise de diffuser de la merde pour que le public écoute enfin de la bonne musique...
Je pense à Léo Ferré qui a été reconnu si tard.
Je pense à Vincent Van Gogh, connu post-mortem.
Aux ayants-droits qui s'en foutent plein les poches alors que lui a crevé la dalle toute sa vie.

J'ai la grandiloquence de croire que l'artiste est là pour changer le monde. S'il l'accepte tel qu'il est et tord sa création, la rendant plus lisse, plus conforme, afin de pouvoir y entrer sans mal, alors son art est corrompu. Celui-ci doit rester pur. Toujours. Il ne doit jamais être perverti par le désir de reconnaissance ou le désir d'argent. Être artiste n'est pas un métier mais un état d'être. Si de cet état d'être découle la reconnaissance ou l'argent, alors tant mieux, mais l'artiste ne doit en aucune façon les rechercher.
Il doit continuer à façonner son art, avec une extrême loyauté, même dans l'exclusion la plus totale. S'efforcer de créer pour le spectateur parfait, ce spectateur qui n'existe peut-être que dans sa boîte crânienne.

Et dire qu'il suffirait que l'État interdise de diffuser de la merde pour que le public écoute enfin de la bonne musique...
Je pense à Léo Ferré qui a été reconnu si tard.
Je pense à Vincent Van Gogh, connu post-mortem.
Aux ayants-droits qui s'en foutent plein les poches alors que lui a crevé la dalle toute sa vie.

Et s'il existait sur Terre d'autres artistes comme eux, qui n'avaient jamais été découverts ?
Combien de rêveurs échoués peuplent le monde ?
Combien de chefs-d’œuvre avortés pour avoir atterri sur le bureau d'un DA qui a fait des études de commerce ?
Combien de meurtres artistiques ?
Combien ?